Première greffe de rein ABO incompatible au CHU de Nancy pour Jean-Claude, patient de l’Altir

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Première greffe de rein ABO incompatible au CHU de Nancy pour Jean-Claude, patient de l’Altir

La « greffe ABO incompatible » est une greffe rénale entre un receveur et un donneur vivant dont le groupe sanguin est incompatible et entrainerait, en cas de transplantation, un rejet aigu du rein greffé. Les personnes du groupe O sont les seuls à pouvoir donner du sang ou un organe à un patient d’un autre groupe.

Il existe 4 groupes sanguins (A, B, AB, O), définis en fonction de l’antigène présent sur les globules rouges ; par exemple, le groupe AB possède les 2 antigènes (A et B) et le groupe O n’en possède pas.  Cet antigène est également présent dans la paroi interne des vaisseaux sanguins et dans les cellules rénales. En contre partie, toute personne possède dans son sang des anticorps dirigés contre l’antigène qui diffère du sien. Ainsi, le groupe O qui n’a aucun antigène, possède des anticorps anti A et anti B et ne peut recevoir que un organe O. La greffe d’un rein ABO incompatible entraine une occlusion des vaisseaux et à une nécrose de l’organe.

 

 

Pour permettre cette greffe « ABO » incompatible, le receveur doit subir une préparation environ 15 j avant la greffe rénale pour diminuer significativement son taux d’anticorps naturels dirigés contre les antigènes du groupe sanguin du donneur. Cette préparation comprend des séances d’échange plasmatique qui retirent du plasma les « mauvais » anticorps mais également les « bons » et les facteurs de coagulation, augmentant sensiblement l’immunosuppression et les risques hémorragiques post-chirurgicaux. L’élimination spécifique des « mauvais » anticorps est néanmoins possible par immunoadsorption mais cette technique est plus coûteuse : + 20 000 euros/greffe standard.

La greffe ABO incompatible s’est développée depuis les années 90, principalement au Japon. L’arrivée en 2000 sur le marché d’un médicament (rituximab) a notablement amélioré les résultats de ce type de greffe, remplaçant l’ablation chirurgicale de la rate (lieu de production des anticorps).

En France, la greffe ABO incompatible se développe depuis 2011. En fév. 2013, 25 greffes rénales ABO incompatibles sont réalisées en France. La 1ère greffe ABO incompatible est réalisée au CHU de Nancy en octobre 2014 avec succès pour Jean-Claude, patient de l’ALTIR ! Voici une nouvelle avancée pour la greffe rénale à partir de donneur vivant, elle vient compléter le don croisé (« échange du donneur » entre 2 couples).

Quelques mois plus tard, nous retrouvons Jean Claude et Irène, son épouse, qui nous livrent l’un et l’autre leur témoignage et leur ressenti:

Jean-Claude :  » Souhaitant que mon témoignage personnel soit un encouragement et un espoir pour les patients atteints d’une insuffisance rénale,  je vous livre à travers ces lignes mon ressenti et quelques-unes de mes réflexions sur les différentes étapes de mon parcours d’insuffisant rénal chronique.

C’est lors d’une échographie de contrôle prostatique que le radiologue a découvert une tumeur sur mon rein unique. Durant la consultation qui suivit l’échographie, je compris immédiatement la gravité de ce qui m’arrivait. Avec des paroles apaisantes qui atténuèrent mon abattement, le radiologue me conseilla de voir mon médecin traitant qui obtint aussitôt un rendez-vous auprès du service néphrologique de l’hôpital de Nancy Brabois. Le diagnostic du néphrologue qui m’orienta, tout en me laissant libre de ma décision, vers une néphrectomie élargie, plutôt qu’une hémi-néphrectomie, provoqua chez moi résignation et grande tristesse. Les médecins nous dirigèrent alors, mon épouse et moi, vers les infirmières de l’ALTIR – Association Lorraine pour le Traitement de l’Insuffisance Rénale – qui nous expliquèrent et nous montrèrent en quoi consistait l’hémodialyse.

Dans l’attente de l’opération, je traversai une période de découragement, de révolte, me posant à maintes reprises la question : Pourquoi moi, de quoi voulait-on me punir ? Mes paroles devenaient rares, ce qui rendait le climat à la maison pesant.

Après l’opération, en octobre 2010, et deux semaines de dialyse au CHU, qui se passèrent plutôt bien, les séances de dialyse furent programmées à l’ALTIR. Les infirmières, rapidement, me demandèrent d’être autonome dans la préparation du matériel et du générateur. C’était trop tôt, car je me trouvais encore dans une phase de choc et de non-acceptation de l’insuffisance rénale chronique.

A la maison, mon épouse m’encourageait, faisant preuve heureusement de beaucoup de patience et de bienveillance. Je repris confiance. Les infirmières me proposèrent alors de me ponctionner moi-même. Cet apprentissage me permit d’acquérir une autonomie qui me fit moralement le plus grand bien.

L’étape suivante fut la dialyse à domicile. L’ALTIR s’occupa, efficacement, de l’organisation matérielle et administrative, et forma également pendant trois mois mon épouse qui devait m’accompagner à la maison. Cette nouvelle étape eut plusieurs avantages : j’étais moins fatigué et nous étions plus libres dans l’organisation de nos journées, de nos loisirs.

(photo du 5 juin 2013, installation à domicile Jean-Claude entouré d »Agnès médecin, Harmony infirmière, Alexandre technicien de dialyse)

Deux ans après l’ablation du rein, le médecin néphrologue me confirma que je pouvais être greffé si je le désirais ; je fis les examens cliniques nécessaires à la constitution du dossier. L’inscription fut effective en décembre 2012. Mon épouse ne pouvait me donner un rein car de groupe sanguin incompatible. Néanmoins, la nouvelle loi de 2011 élargissait le cercle des donneurs potentiels et offrait la possibilité d’un « don croisé » où deux couples donneur-receveur incompatibles sont appariés. Mon épouse ferait don de son rein au receveur de l’autre couple et moi, je recevrais le rein du donneur de l’autre couple. Nous sommes rentrés dans ce protocole en juin 2013. Mais ce nouvel espoir fut également déçu : nous ne fûmes pas appelés. Les mois passèrent… inscrit parallèlement sur la liste d’attente de greffe avec donneur décédé, je fus appelé une fois mais la greffe ne put se concrétiser.

C’est alors que le Professeur Kessler nous parla de la greffe ABO-incompatible. Mon épouse ayant réaffirmé son choix, je suivis un traitement visant à baisser mes anticorps afin qu’ils ne puissent pas nuire au rein greffé.

Le 14.10.2014, nous fûmes opérés tous les deux. Nous étions le premier couple ABO-incompatible au CHU de Nancy 

Aujourd’hui, c’est un Plus formidable dans notre vie qui a été rendu possible grâce à mon épouse. Je ne l’oublie pas.

 Irène :  » J’accompagne mon époux depuis l’annonce de sa maladie. Cette annonce, je l’ai vécue comme une douche glacée. Installation de la fistule, ablation du rein et puis dialyse se sont bousculées et ont transformé notre vie. J’essayais de mon mieux d’apporter de l’optimisme et du bien-être à mon époux.

Très vite, le désir de lui donner mon rein s’est fait présent à moi. Je ne lui en parlais pas tout de suite mais je me documentais un maximum sur le sujet. Professeur Kessler – néphrologue au CHU Brabois – a pressenti mon choix et a su me guider dans la préparation du dossier (démarches médicales et administratives). Ayant le groupe sanguin A, je ne pouvais pas  – en  2010 – donner mon rein à mon mari qui était groupe O. Tout naturellement et après des informations précises communiquées par notre néphrologue, nous nous sommes inscrits sur la liste du « Don Croisé ».

Entre temps, mon mari et moi avions opté pour la dialyse à domicile. J’ai suivi une – bonne – formation à l’ALTIR pour devenir l’assistante de mon mari. L’installation de l’appareillage nécessaire à la dialyse à domicile terminée, l’aventure pouvait débuter. Je pouvais enfin être « acteur » afin d’améliorer la vie de mon mari. Notre qualité de vie s’est rapidement améliorée et mon mari fatiguait moins. Une petite anecdote :   J’aimais le matin, au début de la dialyse, mon mari étant branché, m’installer en face de lui pour prendre un bon petit-déjeuner ensemble, écoutant les informations qu’égrenait la radio. Ce sont ces instants simples qui nous apportaient complicité et sérénité.

Mais en même temps nous attendions un appel pour une greffe. Ce fut un dimanche soir… mais malheureusement mon mari se trouvait en deuxième position. Déçus, nous sommes rentrés à la maison. Les mois suivants, étant inscrits sur la liste du Don Croisé, nous ne fûmes pas appelés non plus.

Professeur Kessler nous parla alors du nouveau protocole de la greffe ABO-incompatible qui allait débuter à Nancy. Elle nous demanda si nous étions partants. Quelle question ! Nous nous sommes lancés aussitôt dans cette aventure.

Le 14 octobre 2014 fut la journée de renaissance pour mon mari. Mon rein fut prélevé le matin par Professeur Hubert et transplanté l’après-midi à mon mari par Professeur Eschwège. Même si la suite post-opératoire ne fut pas une traversée tranquille, mon époux et moi ne regrettons nullement nos choix. Aujourd’hui, nous pouvons envisager une vie et un avenir sereins.

 Pour conclure j’aimerais vous dire : « Au début de notre vie de couple je lui ai fait cadeau de mon cœur et aujourd’hui de mon rein. »

 Rédaction et propos recueillis par Nelly CASTIN. Mars 2015